La campagne de vaccination contre la COVID-19 a débuté officiellement lundi (01/03/2021) en Thaïlande, un jour après que le ministre de la Santé Anutin Charnvirakul et un groupe de travailleurs de la santé aient reçu des injections du vaccin chinois.
Le pays d'Asie du Sud-Est n'a pas pu respecter les dates de lancement prévues (le 14 février). Et l'inoculation du Premier ministre Prayuth Chan-ocha prévue pour dimanche matin a été reportée en raison de problèmes de "paperasserie".
La Thaïlande a approuvé deux vaccins à ce jour, ceux de la société pharmaceutique européenne AstraZeneca et de la société chinoise Sinovac Biotech. Ce dernier ne sera valable que pour les personnes âgées de 18 à 59 ans. Ce qui exclurait Prayuth, qui aura 67 ans le 21 mars.
La Thaïlande a été reconnue pour ses remarquables performances dans la lutte contre la COVID-19, malgré un coût économique stupéfiant. Fin février, le département de contrôle des maladies du ministère de la Santé a signalé 25 881 cas au total. 776 personnes sont encore hospitalisées avec 83 décès enregistrés.
Mais après presque un an sans transmission locale, une deuxième vague a replongé le pays dans le chaos. Le 29 janvier, jour de pointe, 1 732 cas ont été confirmés.
Voici cinq choses à savoir sur la campagne de vaccination contre la COVID-19 en Thaïlande :
À quoi ressemblent la feuille de route concernant le vaccin contre la COVID-19 en Thaïlande ?
Les premières doses d'AstraZeneca et de Sinovac seront destinées aux travailleurs de la santé, aux personnes âgées et aux personnes médicalement à risque. Dans les mois à venir, 2 millions de doses supplémentaires de Sinovac arriveront. Ils vont être utilisées dans les zones à haut risque comme Samut Sakhon (820 000 doses), Bangkok (800 000) et Tak (160 000), une province frontalière du Myanmar. Un nombre beaucoup plus restreint de doses sera envoyé dans huit autres provinces.
En mai ou juin, 26 millions de doses d'AstraZeneca produites localement devraient être utilisables. Puis, 35 millions de doses seront disponibles après le mois d'août. La Thaïlande espère vacciner 31 millions d'habitants d'ici la fin 2021, soit environ 45 % de ses 66 millions d'habitants. Siam Bioscience, en partenariat avec AstraZeneca produira localement le vaccin afin d’accélérer le programme d’inoculation.
Quel est le contexte de Siam Bioscience ?
La société, en 2009 sous le règne du roi Bhumibol Adulyadej dispose d’un capital social de 4,8 milliards de baht (158 millions de dollars aux taux actuels) provenant du Crown Property Bureau. Le défunt roi voulait que la Thaïlande se développe dans le secteur des biosciences et devienne moins dépendante des importations de produits pharmaceutiques étrangers souvent coûteux. La société a noué des relations fructueuses avec Cuba, qui est réputé pour la rentabilité de ses systèmes de santé. En 2016, Siam Bioscience a lancé son premier produit, l'érythropoïétine, une hormone qui stimule la production de globules rouges.
Le Crown Property Bureau, qui gérait les biens de la couronne lorsque le roi Maha Vajiralongkorn a succédé à son père en 2016. Il détenait la plupart des actions de Siam Bioscience. Toutefois, elles ont été transférées en deux étapes à la possession directe du roi en 2018 et 2019, selon la documentation du ministère du Commerce.
Un total de 899 997 actions de Siam Bioscience ont été transférées le 20 avril 2018, à Tun Ladawan, une société anonyme appartenant au Bureau des biens de la Couronne. Et une action a été donnée à Apiporn Parsawat, Thananya Lerdpongsopong et Piyawan Wanankrit pour un total de 900 000.
Et le 13 avril 2020, 47 999 998 actions ont été transférées au nom du roi Maha Vajiralongkorn. Une autre action a été remise à Satitpong Sukwimol, maréchal de l'air et chambellan du roi, et au colonel de police Thumnithi Wanichthanon, directeur du Siam Commercial Bank (SCB) et de Siam Cement Group (SCG), pour un total de 50 millions d'actions. Le roi est le plus grand actionnaire de la SCB et de SCG. Et comme pour Siam Bioscience, il détient les actions directement en son nom propre.
AstraZeneca a choisi Siam Bioscience comme partenaire dans la production des vaccins contre la COVID-19
Fin novembre 2020, AstraZeneca a choisi Siam Bioscience comme seul partenaire en Thaïlande. La société fabriquera le vaccin contre la COVID-19 en partenariat avec l'université d'Oxford. L'accord a été négocié avec la participation ouverte de SCG. C'est la première fois que Siam Bioscience fabrique un vaccin. La Thaïlande a une expérience limitée en matière de production de vaccins. Ceux qui connaissent bien le secteur disent que trouver des techniciens convenablement formés sera un obstacle majeur.
Pourquoi Siam Bioscience fait-il la une des journaux ?
Comparée à d'autres pays d'Asie du Sud-Est, la Thaïlande a été lente à mettre en place son programme de vaccination contre la COVID-19. Ce qui en fait un sujet d'intérêt public considérable. AstraZeneca a déclaré avoir choisi Siam Bioscience comme partenaire exclusif pour la production initiale de 26 millions de doses pour la Thaïlande et de 174 millions pour la distribution dans d'autres pays.
Thanathorn Juangroongruangkit, un milliardaire de 42 ans et ancien chef de parti d'opposition, a utilisé un livestream sur Facebook en janvier pour remettre en question l'accord exclusif de Siam Bioscience. Ses commentaires ont fait suite à six mois de manifestations de rue menées par des jeunes. Ceux-ci ont inclus une contestation sans précédent de la monarchie et de la gestion de ses actifs. Une plainte pour lèse-majesté a immédiatement été déposée contre Thanathorn.
La Thaïlande va-t-elle pouvoir produire les vaccins dont elle a besoin ?
Le ministre de la Santé a déclaré qu'il s'attendait à ce que le vaccin soit aussi bon que partout ailleurs. La société a clairement besoin de sa réputation pour s'assurer que ce sera le cas. Le vaccin requiert un système de distribution beaucoup moins important que celui de certains de ses concurrents.
L'efficacité du vaccin d'AstraZeneca est supérieure à 70,4%, contre plus de 50% pour le produit de Sinovac et environ 95% pour ceux de Pfizer et Moderna, selon l'Organisation mondiale de la santé. Même s'ils ne préviennent pas toujours la COVID-19, tous les vaccins sont censés réduire les effets néfastes des symptômes de cette maladie mortelle.
Quels sont les défis à relever pour faire vacciner la population ?
L'approvisionnement en vaccins en temps voulu reste sans aucun doute le plus grand défi de la Thaïlande. Siam Bioscience s'est audacieusement chargé de la livraison. À bien des égards, la Thaïlande dispose de grands avantages, notamment une logistique solide. DKSH Thaïlande, une société offrant des "services d'expansion du marché", a été sélectionnée pour transporter les vaccins dans une "boîte brillante". Celle-ci a pour rôle de maintenir le contenu à la bonne température même pendant l'expédition.
Le système de santé thaïlandais est classé sixième dans une étude réalisée en 2019 par le magazine américain CEOWORLD. La Thaïlande devance des pays européens comme la France. L'une de ses armes secrètes est une armée de 1,5 million de volontaires de la santé. Celle-ci s'est révélée inestimable dans la mise en place de systèmes de santé abordables.
Dans une récente enquête mondiale menée par YouGov, une société britannique spécialisée dans la recherche sur Internet, la Thaïlande a obtenu le meilleur score au niveau mondial en ce qui concerne la volonté du public de se faire vacciner. Juste devant le Royaume-Uni, 83 % des Thaïlandais interrogés ont déclaré qu'ils se feraient vacciner.
Source : Asia Nikkei