La pollution en Thaïlande est un sujet récurrent qui continue d’effrayer les expatriés ou les étrangers qui souhaitent s’y installer de façon permanente. Dans cet article, nous avons décidé de dépasser les ‘on-dit’ qui entourent ce problème, et de l’aborder de manière factuelle et objective. La Thaïlande est-elle aussi polluée que l’on pense ? Toutes nos réponses ici. 👇
Comme le dit le proverbe, « les averses d’Avril apportent les fleurs de Mai ». Malheureusement, ceci ne concerne pas les 69 millions d’habitants du Royaume de Thaïlande. Locaux, expatriés, touristes, tous connaissent cet air parfois si difficile à supporter. Beaucoup d’hypothèses existent … Bangkok serait une des villes les plus polluées au monde, Chiang Mai serait plus facile à vivre au quotidien, la croissance économique de la capitale pourrait être une des causes de ce problème …
Mais est-ce vraiment le cas ? La qualité de l’air en Thaïlande est-elle aussi mauvaise qu’on le croit ? Est-ce vrai que Bangkok est un plus mauvais élève que Paris, ou New-York ? Nous avons aujourd’hui décidé de nous intéresser tout particulièrement à ce sujet, démêler le faux du vrai avec de réels chiffres et études à l’appui.
La Pollution. Le problème majeur de l’ère actuel. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2016, 91% de la population mondiale vivaient dans des endroits de la planète où leurs règles sur la qualité de l’air n’étaient pas respectées. On estimait à 4,2 millions le nombre de décès prématurés provoqués par la pollution ambiante cette même année. 91% de ces décès prématurés sont survenus dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, le plus grand nombre étant enregistré dans les Régions OMS de l’Asie du Sud-Est et du Pacifique Occidental.
L’OMS estime que 7 millions de personnes en moyenne meurent prématurément chaque année à cause de la pollution – air ambiant et pollution intérieure dans les logements – et 9 personnes sur 10 respirent un air contenant des niveaux élevés de polluants.
Nous allons aujourd’hui nous intéresser tout spécialement au Royaume de Siam. Afin d’avoir un outil commun pour mesurer et analyser, nous allons prendre MP10 et MP2.5 que l’OMS elle-même décrit comme étant les plus nocives pour la santé.
Qu’est-ce que la MP ; les MP10 ; et les MP2.5 ?
MP, ou Matière Particulaire, est un indicateur pour la pollution de l’air. Il affecte plus de personnes que tout autre polluant. Ses principaux composants sont du sulfate, des nitrates, de l’ammoniac, du chlorure de sodium, du carbone noire, de la poussière minérale et de l’eau. En résumé, il consiste en un mélange de particules solides et liquides en suspension dans l’air.
MP10 désigne les particules d’un diamètre inférieur ou égal à 10 microns (≤ MP10). Celles-ci peuvent pénétrer profondément dans les poumons.
MP2.5 désigne les particules d’un diamètre inférieur ou égal à 2.5 microns (≤ MP2.5). Celles-ci sont les plus néfastes pour la santé : elles peuvent pénétrer dans la barrière pulmonaire et dans le système sanguin grâce à leur plus petit taille.
BANGKOK
Comment se place Bangkok concernant la pollution ?
Bangkok est la 2ème province la plus polluée de Thaïlande, après Saraburi. 20% de la pollution du Royaume y est concentrée et plus de 65% des émissions totales du pays.
Comme vous pouvez le voir, l’indice de qualité de l’air vers Thonburi Power Sub-Station à Bangkok au 26 Juin 2018 est de 108 et considéré comme mauvais pour la santé des groupes appelés « sensibles ». C’est un chiffre plutôt habituel, voire « bon » pour la capitale thaïlandaise.
Le Saviez-Vous? Vous pouvez consulter vous-même la qualité de l’air quotidiennement de l’endroit où vous vous trouvez en cliquant ICI !
*** Ces données dépendent de la localisation et non de la ville. ***
La moyenne annuelle de qualité de l’air en 2017 était de 72, avec un maximum atteint supérieur à 300, ce qui est 2 fois plus que Londres, Paris, Los Angeles et New-York ; mais meilleur de Séoul, Shanghai et Pékin.
En Janvier et Février 2018, la cité des anges – avec 13 autres provinces du Royaume – a connu un épisode alarmant de pollution qui a poussé le gouvernement à alarmer les personnes qui sont le plus sensibles d’en souffrir – les enfants et personnes âgées. Le taux de MP2.5 avait généralement excédé les recommandations de l’OMS qui stipulent que celles-ci ne doivent pas dépasser 50 µm/m3 plus de trois jours par an. Pour vous donner une idée, l’indice de qualité de l’air à Bangkok était de 153 soit « malsain » le Mardi 27 Février en fin de matinée contre 60 à Paris au même moment.
Tara Buakamsri, directeur de Greenpeace Thaïlande, a d’ailleurs poussé un cri d’alerte qui en disait long sur la situation : « Ça ne peut pas continuer comme ça ; Bangkok est en train de s’asphyxier ! ».
Pourquoi Bangkok est-elle polluée ?
Les raisons de cette dégradation sont clairement identifiées. L’une des principales est l’augmentation exponentielle de véhicules, dans l’une des villes les plus embouteillées de la planète. En 2018, la Thaïlande compte plus de 37 268 655 véhicules enregistrés. Depuis Janvier, 2 456 686 véhicules ont été immatriculés, selon le Département des Transports Urbains.
Notons toutefois que quelques zones de Bangkok enregistrent un score bien meilleur que d’autres. Le niveau de pollution dépend donc de l’endroit où vous vous trouvez, mais également du vent, car la pollution a tendance à rester et à s’accrocher à un endroit particulier si le vent ne le pousse pas hors de la ville, et le vent est plutôt rare pendant les jours de grande chaleur à Bangkok.
Bangkok est polluée, mais …
… mais l’est-elle beaucoup plus que les autres ?
Contrairement à ce que l’on peut penser en général, bien que Bangkok est haut du classement des villes les plus polluées du monde, elle ne se situe pas très loin de nos villes européennes. À titre d’exemple, Paris est à la 17ème place contre Bangkok à la 13ème pour un écart de seulement 6 µm/m3.
Un autre exemple plus concret. L’OMS a rendu compte de la concentration de la pollution de l’air ambiant dans les villes du monde entier en 2015. ENTRE AUTRES, la Thaïlande signale que ses MP2.5 annuelles sont de 22,4 et les MP10 de 41,4. L’Italie signale une concentration annuelle de MP2.5 de 22,7, MP10 de 32. Comme vous pouvez le constater, les concentrations de particules en Thaïlande ne varient pas énormément de celles de l’Italie, ce qui pourrait surprendre les résidents des deux pays.
Mais quelles sont les raisons d’un ressenti aussi différent entre deux villes comme celles-ci ? Plusieurs hypothèses s’offrent à nous. Bien évidemment, la première entrant en ligne de compte est la température. Bangkok est la ville qui a été élue la plus chaude du monde par l’Organisation Météorologique Mondiale avec une température moyenne à l’année de 28°C. Le taux d’humidité peut même atteindre les 90% pendant certains mois de l’année.
Ces facteurs expliquent donc que malgré les taux de particules plus ou moins équivalents à certaines villes européennes, le ressenti est beaucoup plus puissant lorsque l’on vit dans la capitale thaïlandaise.
En résumé, plus que des chiffres sur les niveaux de particules ou autres molécules présentes dans l’air, d’autres facteurs devraient être pris en compte afin de mieux cerner les conditions de vie dans la ville. Afin de juger correctement les situations des villes, il faut considérer tous les facteurs.
CHIANG MAI
Comment se place Chiang Mai concernant la pollution ?
On entend très souvent dire que Chiang Mai est plus polluée que Bangkok, mais la 2ème plus grande ville de Thaïlande arrive à la 3ème position du classement des villes les plus polluées du Royaume. Néanmoins, la différence entre les deux villes n’est pas flagrante.
Pourquoi Chiang Mai est-elle polluée ?
L’hypothèse la plus plausible ici est la pratique de la combustion agricole qui a un effet débilitant sur l’air du Nord de la Thaïlande qui est le foyer de beaucoup de régions agricoles.
Au printemps, entre Février et Mai, les agriculteurs brûlent les champs pour laisser la place à de nouvelles cultures, ce qui contribue à l’augmentation de la quantité de particules dans l’air à des niveaux inacceptables et dangereux (> 120 μg / m3). Au fur et à mesure, ce mauvais air des régions agricoles de Chiang Mai mélangé à celui frontalier de la Birmanie crée un véritable environnement nocif pour les habitants du Nord, où le nombre d’hospitalisation ou de problèmes respiratoires ne fait qu’augmenter.
THAÏLANDE
Entre 1983 et 1996, la croissance économique thaïlandaise a été l’une des plus rapides de l’Asie de l’Est. Cette progression fulgurante a accru le revenu par habitant d’une moyenne de 7% par an, mais elle a aussi créé des problèmes sérieux parmi lesquels la saturation des transports ou encore l’aggravation de la pollution atmosphérique. Notons, par exemple, que 5 pays asiatiques rejettent 60% du plastique mondial et la Thaïlande se trouve en 4ème position.
Thaïlande VS Greenpeace.
Le principal conseil ici est de ne pas se fier aux apparences et de bien regarder les informations et chiffres fournis. En effet, bien souvent, des informations clées sont manquantes. Par exemple, si vous regardez Surat Thani, vous trouverez un bon score – 26 au 26 Juin – mais si vous regardez de plus près, les MP2.5 qui sont les plus nocives pour la santé, ne sont pas comptabilisées – ndlr, Surat Thani reste une destination assez saine dans le pays.
Le MP2.5 manquant est d’ailleurs le principal problème qu’a soulevé Greenpeace en parlant de la Thaïlande, accusant le Royaume d’« induire les gens en erreur ». Car oui, sa mesure reste manquante sur beaucoup d’endroits du Royaume, sans raison évidente.
Thaïlande VS Pollution.
La plupart des sources extérieures de la pollution échappent totalement à notre contrôle et impliquent donc des prises de décisions au niveau local, régional et national des responsables concernant les transports, l’énergie, l’urbanisme ou encore l’agriculture.
… concernant les mesures des particules ?
Concernant les données soi-disant dissimulées volontairement par la Thaïlande sur les mesures de particules dans l’air, cela ne semblerait pas être quelque chose de voulu ni orchestré par les autorités. En effet, si on regarde cela de plus près, on se rend compte que ces mesures manquent – pour la plupart – dans des petites régions qui n’ont pas un niveau de pollution très dangereux. En conséquent, nous pouvons penser que si le Royaume avait réellement voulu minimiser les chiffres réels, il l’aurait fait sur la capitale, ou sur les grandes villes vraiment affectées par cette condition. Nous pouvons donc simplement penser à un retard technologique sur ce genre d’infrastructure.
Afin de lutter contre la pollution, il faut tout d’abord l’évaluer et s’en rendre compte. Un plus grand nombre de stations de surveillance ont été ajoutées pour détecter la pollution dangereuse au fil des années. C’est notamment grâce à ces stations que nous avons accès à l’indice de qualité de l’air en temps réel.
… concernant l’automobile ?
Le Programme de Contrôle de la Qualité de l’Air en Thaïlande a promis de mettre en place des normes d’émission pour les véhicules, quelque soit leur âge, ainsi que des programmes d’entretien et des inspections routières. On voit également une élimination progressive du plomb dans l’essence, et les contrôles sont effectués de manière plus professionnelle à partir des centrales électriques.
De plus, alors que les deux-roues sont le principal moyen de transport, Bangkok a également incité les motocyclistes de la ville à opter pour un moteur à 4 temps, moins polluant et moins nocif pour la santé. Enfin, un changement de carburant automobile est également prévu pour 2023 ainsi que la mise en place de la circulation alternée d’ici 2029.
Rappelons également que le système de métros aérien et souterrain (MRT et BTS) à Bangkok dépassera celui de Londres ou même de New-York d’ici quelques années grâce à un projet d’envergure visant à l’étendre avec de nouvelles lignes pour un total de 555 kms en plus à travers la capitale.
… concernant l’environnement ?
La Thaïlande a très récemment décidé de s’intéresser à la beauté de ses paysages et donc à la préservation de ceux-ci. Le tourisme de masse a en effet gravement endommagé plusieurs trésors du Royaume qui, afin de lutter contre cela, a pris la décision de fermer quelques endroits au public – notamment la célèbre plage de Maya Bay – pendant quelques mois pour laisser le temps aux coraux de se reconstruire et à la nature de refaire son œuvre en toute tranquillité.
Rappelons également qu’en 2012, après la publication du rapport de la Banque Mondiale sur l’exploitation illégale des forêts, Sa Majesté le Roi de Thaïlande était lui-même intervenu contre les fonctionnaires corrompus qui fermaient les yeux sur la déforestation en demandant des sanctions plus sévères.
… concernant l’eau ?
Le pays a régulièrement des périodes de grande sécheresse, spécialement dans le Nord-Est. En 2002, la Thaïlande disposait de moins de réserves d’eau par habitant que n’importe quel autre pays d’Asie. Et pour cause, la pollution qui rend l’eau imbuvable. Le gouvernement s’est donc attaqué à ce sujet et a investi dans des usines de traitement des eaux usées tout en durcissant les normes environnementales.
En Conclusion.
La Thaïlande n’est donc pas ce qu’on peut appeler un « mauvais élève » en ce qui concerne la pollution, mais plutôt un élève qui est en train de prendre conscience de ce problème. Il est important de rappeler qu’aucun pays de ce monde n’est irréprochable sur ce sujet. À titre de comparaison, la France est le 1er utilisateur de pesticides d’Europe et le pays le plus nucléarisé au monde. Le Royaume a donc encore du chemin à parcourir, mais semble prendre doucement conscience de l’importance de la lutte contre la pollution.
Nous conclurons cet article en vous rappelant que, comme le dit Monsieur Jacques-Yves Cousteau …
« Les générations futures ont droit à une Terre non contaminée et non endommagée, en tant que fondement de l’histoire humaine, de la culture et des liens sociaux qui font de chaque génération et individu un membre d’une même famille humaine. » 🌺
Sources: World Health Organisation World Air Quality Greenpeace Southeast Asia Trading Economics World Nuclear Association